Discours d’installation du Gouverneur de la BRH
Monsieur le Président du Sénat
Monsieur Le Premier Ministre
Monsieur le Ministre de l’Économie et des Finances
Messieurs le Gouverneur et le Membre sortants
Mesdames / Messieurs du Conseil d’Administration
Mesdames / Messieurs les représentants du système bancaire
Cadres de la BRH
Chers invités
Je voudrais tout d’abord adresser mes remerciements au Président de la République, son Excellence Monsieur Joseph Michel Martelly, de m’avoir choisi pour prendre les rennes de la Banque de la République d’Haïti dans un contexte marqué par de nombreux défis à la fois sur le plan socio-économique, monétaire, et financier. C’est la preuve d’une grande confiance que j’apprécie beaucoup et que je m’attacherai à honorer. Mes remerciements vont également au Premier Ministre Evans Paul qui a toujours supporté les efforts de l’institution et qui accompagne les autorités monétaires et financières dans la quête de la stabilité macro-économique.
Mesdames, Messieurs,
Conformément aux missions qui lui sont confiées par la loi du 17 Août 1979, la Banque de la République d’Haïti a toujours orienté sa politique vers la protection de la valeur interne et externe de la monnaie nationale, a pu maintenir le système financier stable et profitable, a entrepris un ensemble d’initiatives dans le sens de la promotion du crédit indispensable à la croissance et au développement économique.
Toutefois, l’environnement économique actuel est caractérisé par une forte accélération du taux de change, un ralentissement des activités économiques et une tendance à la reprise des tensions inflationnistes. Ceci est, à coté de l’influence non négligeable de facteurs conjoncturels, le résultat d’un ensemble de contraintes persistantes et de plusieurs décennies de déséquilibres macroéconomiques : des déficits de la balance commerciale aux pressions de l’immensité des besoins sociaux sur les finances publiques, de la faiblesse de l’épargne nationale et au déficit de ressources pour le financement des projets d’investissements, d’un rythme inadéquat du revenu national par rapport à la croissance de la population. Ces déséquilibres structurels alimentent la dollarisation et la dépréciation de la gourde depuis l’abandon du régime de la parité fixe.
Sur les 30 dernières années, les politiques publiques ont surtout mis l’emphase sur les efforts d’assainissement et de stabilisation macroéconomique. Historiquement, La politique monétaire a toujours pu prudemment s’accommoder des différentes contraintes de l’environnement macroéconomique. En termes de résultats, l’inflation a été maitrisée et ramenée pendant une longue période dans une fourchette de taux à un chiffre. Après janvier 2010, le rythme de dépréciation de la gourde avait ralenti de manière substantielle et le taux de change avait même connu une baisse significative (42 gourdes en septembre 2009 à environ 39 gourdes pour un dollar en décembre 2010) à la faveur des flux entrants de devises dont les aides humanitaires et les transferts publics, lesquels par ailleurs ont reculé significativement au cours des deux dernières années.
Toutefois, ces politiques n’ont pas permis de résoudre les problèmes de croissance et de compétitivité et n’ont pas permis de rapprocher le PIB de son niveau potentiel.
Ainsi, la politique monétaire et les autres politiques publiques doivent désormais mettre le cap sur les mesures pro-croissance, inclusives, orientées vers l’accumulation de capital à l’échelle nationale mais surtout au niveau régional et local. Elles doivent se traduire par des effets de redistribution qui sont de nature à créer des opportunités, des emplois et élargir subséquemment la base de prélèvement fiscal alimentant un cercle vertueux de création de richesse, de meilleures finances publiques, de rupture avec le cycle de la pauvreté.
Chers Amis,
Pour être à la Banque Centrale depuis une vingtaine d’années et au Conseil d’Administration depuis environ 4 ans, je suis conscient de l’immensité de la tâche à accomplir, de l’importance des défis à relever, des contraintes serrantes sous lesquelles il faudra maximiser l’utilité que doivent retirer les agents économiques, les investisseurs et les ménages, d’un taux de change et d’un taux d’inflation stables qui ne sont en fait que des biens publics.
Sur le plan monétaire et financier, la BRH a eu des résultats notables en matière de stabilité financière, de disponibilités des moyens de paiement, de la maitrise de l’inflation comme mentionné plus haut, de croissance du crédit et elle est en train promouvoir, avec la coopération du système financier, des initiatives visant l’inclusion financière, l’aménagement de conditions favorables au secteur immobilier et aux secteurs productifs.
A ce propos, je dois saluer le travail réalisé par le Gouverneur sortant, M. Charles Castel au cours de son mandat comme Directeur Général entre 2004 et 2006 et comme Gouverneur de 2006 à 2015. Sous son gouvernorat, la BRH a, entre autre, renforcé son processus de modernisation et de prise de décision en matière de politique monétaire, a apporté une contribution aux efforts de sauvegarde du patrimoine culturel national, a contribué avec le Ministère de l’Économie et des Finances à la stabilisation macroéconomique, a maintenu le système financier stable, a réalisé de multiples conférences nationales et internationales.
Je salue également les contributions enrichissantes du Membre sortant, Monsieur Fritz Duroseau, qui est une valeur sure pour le pays, un réservoir d’idées, un modèle de rigueur, de travail bien fait, dont la relève devra s’inspirer mais aussi un modèle d’humour qui aide à gérer le stress ambiant.
Néanmoins, malgré les multiples réalisations de la BRH sur le plan de la politique monétaire et sur le plan institutionnel, il est impératif aujourd’hui de mettre le cap en particulier sur :
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L’approfondissement financier par la création d’un marché financier en Haïti car, d’une part, les 2 milliards de dépôts en dollars et les 75 milliards de dépôts en gourdes dans le système bancaire ne suffiront pas pour financer le développement du pays, et d’autre part, les entreprises doivent pouvoir se financer aussi en dehors du marché monétaire, les agents économiques doivent être en mesure de trouver d’autres alternatives de placement de leurs avoirs monétaires, en dehors des dépôts à terme ou des dépôts d’épargne qui subissent d’ailleurs les effets asymétriques des canaux de transmission monétaire, les entreprises doivent pouvoir se financer en dehors du marché monétaire.
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Des innovations au niveau de la politique monétaire et de l’application des normes prudentielles en termes par exemple d’une différenciation régionale des réserves obligatoires qui tendent déjà à intégrer de plus en plus des incitations sectorielles.
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Une systématisation de l’approche des Fonds de Garantie qui va être envisagée à une échelle plus large en termes de secteurs productifs à intégrer et à encourager ; nous solliciterons un engagement plus substantiel de l’État haïtien et des bailleurs sur le plan de l’accompagnement financier.
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L’établissement d’un système d’assurance dépôts visant à sécuriser les avoirs des épargnants en cas de faillite d’une institution financière. Les expériences des coopératives au début des années 2000 ont été assez éprouvantes.
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La protection des consommateurs de services financiers. Sur le plan institutionnel, la protection des consommateurs n’a pas été explicitement intégrée dans l’ensemble des missions assignées à la Banque Centrale dans la loi du 17 Août 1979. De fait, il existe un Office de la Protection du Citoyen qui ne semble pas avoir une vocation spécifique de protection de consommateurs. Or, sur le plan économique et financier, les marchés et le régime de la libre concurrence comportent beaucoup de distorsions qui nuisent souvent aux intérêts des agents économiques individuels. Par exemple, la tarification des services financiers, le marché des transferts, entre autres, devraient faire l’objet d’une attention particulière pour qu’ils soient plus transparents pour les utilisateurs. La BRH doit donc étendre le champ de la surveillance pour prendre en compte ces préoccupations. La protection des consommateurs étant d’ailleurs l’un des piliers de l’inclusion financière en cours de promotion par l’institution.
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L’établissement d’une politique de communication régulière destinée à informer les agents économiques et les « stake holders », à les renseigner sur les actions de la Banque Centrale en vue de les aider à mieux former et à mieux discipliner leurs anticipations. Ce qui est un élément fondamental dans le comportement des marchés et dans l’efficacité de la politique monétaire ; pour ne citer que ces chantiers.
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Mesdames, Messieurs,
J’accepte de prendre la charge de la direction de la Banque Centrale dans un contexte de grande complexité de l’environnement de la politique monétaire où les tensions socio- politiques pèsent sur la formation des anticipations et tiennent l’économique en état. En particulier, l’évolution récente du taux de change manifestée par la forte dépréciation de la gourde interpelle le policy maker, pas seulement le banquier central. Ma position institutionnelle est que la Banque centrale ne saurait laisser le taux de change partir à la recherche d’une compétitivité dont les bases ne sont pas encore établies. Elle continuera donc à contenir les mouvements de la décote de la monnaie nationale au moyen de mesures tendant à créer une attractivité de la gourde pour compléter les instruments actuels de politique monétaire. Je vais travailler en étroite collaboration avec le Ministre de l’Economie et des Finances en vue de renforcer la coordination des politiques monétaire et fiscale, nécessaire pour une plus grande efficacité des résultats recherchés.
Le dialogue institutionnel avec l’Association Professionnelles des Banques sera renforcé et les membres du Conseil d’Administration resteront à l’écoute du système bancaire pour tout ce qui peut contribuer à l’efficience des activités d’intermédiation.
Enfin, j’invite les membres du personnel à jouer leur partition dans la mission qui est confiée à l’institution et à respecter les règles d’éthique et d’intégrité qui ont toujours caractérisé la Banque de la République d’Haïti. La compétence et la performance constituent la boussole qui guidera l’action du Conseil d’Administration.
Merci