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Discours du Gouverneur Jean Baden Dubois à l’ouverture de la Session Finance du Sommet d’Affaires Haïtiano-Américain (HABS) organisé par la Chambre de Commerce Haïtiano-Américaine de Floride (HACCOF) Miami, Fl | BRH


Discours du Gouverneur Jean Baden Dubois à l’ouverture de la Session Finance du Sommet d’Affaires Haïtiano-Américain (HABS) organisé par la Chambre de Commerce Haïtiano-Américaine de Floride (HACCOF) Miami, Fl



Madame le ministre des Haitiens vivant à l’étranger, Stephanie Auguste,
Madame le ministre du Tourisme Gessy Menos,
Miami-Dade Commissioner Monestime,
Madame le Directeur Général du CFI,
Madame, Messieurs les membres du Conseil d’Administration de la Banque de la République d’Haïti,
Mesdames, Messieurs les Élus de la Diaspora,
Mesdames, Messieurs les membres du Conseil d’Administration de la Chambre de Commerce Haïtiano-Américaine de Floride (HACCOF),
Distingués Invités,
Chers Collègues,

C’est pour nous à la Banque de la République d’Haïti, un honneur de participer aux travaux de la Session Finance du Sommet d’Affaires Haïtiano-Américain organisé par HACCOF. Je salue la participation du Président de la République. Je vois dans la participation du Chef de l’État à cet important évènement une manifestation de sa volonté maintes fois exprimée de faciliter le rôle transformateur que la mobilisation des ressources, des capacités et des réseaux de la Diaspora peut permettre à celle-ci de jouer dans le développement de notre pays.

Je salue aussi le support des présidents des deux chambres du Parlement haïtien, lequel participe du désir d’aider au déclenchement, entre les secteurs d’affaires d’Haïti et ceux de la Diaspora et de l’Amérique, de synergies aptes à faciliter la valorisation des nombreux potentiels que recèle l’économie haïtienne. Dans ce sens, il convient aussi de signaler la présence à ce Sommet de personnalités fonctionnant dans les milieux financiers et d’investissement d’Haïti et de la Diaspora.

Je remercie le président de la Chambre de Commerce Haïtiano-Américaine de Floride d’avoir invité la BRH à intervenir aux assises qui nous rassemblent aujourd’hui. Notre acceptation de cette invitation se place dans le contexte global des efforts que, depuis quelques temps, la BRH s’active à mener en vue d’intensifier son utilisation des moyens dont elle dispose en tant qu’institution de l’État haïtien chargée par sa loi organique de conduire la politique monétaire d’Haïti et de veiller à la stabilité du système financier national. Cette mission, dont on ne saurait trop souligner l’importance, exige de la BRH qu’elle reste sans cesse mobilisée afin de jouer, de manière opportune et appropriée, son rôle dans la mise en place et le maintien des conditions nécessaires à la bonne marche de l’économie nationale. En exécutant ce mandat, la BRH fait de son mieux pour apporter une collaboration franche et efficace aux autres organes de l’État impliqués, dont certains en première ligne, dans l’œuvre essentielle de concevoir les actions et politiques susceptibles d’aider à la réalisation de la même mission fondamentale.

En plus des partenaires du secteur public, la BRH demeure aussi constamment attentive aux opportunités de collaboration fructueuse pouvant lui venir des partenaires du secteur privé, tant de l’intérieur du pays que de notre vitale Diaspora.

Oui, je dis bien, notre vitale Diaspora. Les statistiques montrent qu’en l’année 2000, Haïti figurait déjà parmi les pays de la région envoyant le nombre le plus élevé de travailleurs hautement qualifiés. Pour citer Ponce, dans son aperçu sur les migrations sud-sud et le développement d’Haïti, « Pour l’année 2004, 35% des médecins haïtiens ont laissé Haïti pour les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni. En somme, il est estimé que 80% des Haïtiens ayant un diplôme universitaire (licence, maitrise ou doctorat) ne vit pas en Haiti. Donc 80% de l’intelligentsia haïtienne se trouve dans la diaspora… De grâce, mes chers amis et compatriotes, ne laissez pas à seulement 20% de l’intelligentsia haïtienne le soin de développer et de sauver notre chère Haïti que nous disons être notre Patrie. Nous avons certes besoin du capital financier que constitue la diaspora, mais nous avons encore plus besoin de votre capital humain bien formé et expérimenté.

Notre acceptation de l’invitation de la HACCOF se place donc dans ce contexte général. Nous voyons notre participation à ce Sommet d’Affaires comme renfermant un triple potentiel, comme porteuse d’une opportunité à la fois d’information, de collaboration et de promotion.

En premier lieu, la présence de la BRH à des sessions de travail tenues par des compatriotes de la Diaspora en dehors d’Haïti est suffisamment exceptionnelle pour que j’en profite pour partager avec les participants d’utiles informations, lesquelles pourront aider à nous mettre au même diapason en ce qui concerne l’évolution générale de la réalité économique haïtienne. De telles informations contribueront à jeter la lumière sur le cadre macroéconomique d’Haïti afin de mettre en évidence les conditions favorisant la maximisation des opportunités d’affaires viables existant dans des secteurs économiques porteurs.

D’un autre côté, j’anticipe que ce Sommet d’Affaires favorisera la découverte, à divers niveaux, d’affinités multiples et de modalités de collaboration. Sur la base des informations fournies et des expériences déjà acquises sur le terrain en Haïti, ces affinités et modalités devront permettre à nos sœurs et frères de la Diaspora, et aussi à des investisseurs étrangers, de s’intéresser beaucoup plus aux capacités latentes d’Haïti, lesquelles ne demandent qu’à être fructifiées. Il s’agit donc d’œuvrer au déploiement des potentiels du capacity building. De ce point de vue, il faut souhaiter que les jalons posés au cours de ce Sommet soient autant de graines qui, semées à bon escient, génèreront les projets qui maximiseront les aubaines d’investissements dont regorge notre pays.

D’où l’occasion de promotion contenue dans ce Sommet. Pour peu que les bons efforts soient consentis afin d’en assurer le suivi, cette rencontre devrait aider à projeter une image plus cohérente de notre pays à des investisseurs étrangers, américains particulièrement, qui en viendraient à apprécier les opportunités d’affaires viables qu’offrent, chez nous, des secteurs économiques porteurs.

Distingués Invités,
Chers Collègues,

    Mon intervention s’articulera autour des quatre (4) axes suivants :

  1. D’abord, je présenterai un survol du cadre macroéconomique de notre pays sur les derniers trente-cinq (35) ans. Il s’agira de jeter une lumière constructive sur les défis qui se dressent face à nous tous, question d’être bien imbus des efforts qui nous attendent.
  2. Ensuite, je rappellerai le potentiel d’investissements existant au sein de l’économie haïtienne, un potentiel qui se veut autant d’opportunités d’affaires pour la Diaspora. C’est d’autant plus le cas qu’un niveau sans pareil de transferts privés, et aussi d’autres contributions, fait déjà de la Diaspora le pilier de l’économie haïtienne, un réservoir inestimable d’investissements aptes à stimuler le renforcement des capacités.
  3. En troisième lieu, j’analyserai quelques exemples de projets d’investissement qui ont réussi en Haïti. Cela montrera que, dans notre pays, ce ne sont pas les opportunités d’affaires qui manquent aux investisseurs de la Diaspora, ni d’ailleurs aux investisseurs étrangers.
  4. Enfin, je terminerai avec la présentation des mécanismes d’incitation mis en place par la banque centrale en support à des secteurs productifs à fort potentiel.

Abordons donc le premier axe, qui concerne un survol rapide du cadre macroéconomique d’Haïti, vu à travers les (3) éléments d’observation suivants :

  1. De 1981 à 2016, l’économie du pays a connu une croissance moyenne d’environ 0,5% par an, et des épisodes d’inflation plus ou moins forte, surtout pendant les périodes 1992-1994 et 2003-2004.
  2. Les efforts consentis au cours des dernières années ont permis une amélioration de la performance économique. De tels efforts doivent être renforcés afin de contrecarrer les effets tenaces de certains déséquilibres, dont celui du compte extérieur, entretenu par les carences des exportations par rapport aux importations ; et aussi le déséquilibre des finances publiques, alimenté par l’insuffisance des rentrées fiscales. Il s’agit, pour notre pays, d’une urgence de progrès qui se justifie aussi par la nécessité de parer à des aléas tels que les évolutions de la conjoncture sociopolitique, les dégâts causés par des catastrophes naturelles et l’impact négatif de chocs externes comme les fortes hausses du prix du pétrole survenant pendant des années, et jusque vers le début de l’actuelle décennie. Soulignons que ces hausses ont, pour beaucoup, été absorbées par le Trésor public, dont les ressources ne disposaient pas de la profondeur nécessaire pour assumer durablement une telle charge.
  3. Les programmes de stabilisation mis en place de façon périodique par les autorités haïtiennes ont permis de limiter l’impact délétère de ces déséquilibres et aléas. Toutefois, le grand défi, pour nous tous, demeure de tout mettre en œuvre, et sur tous les fronts, afin d’accélérer le rythme de la croissance de façon à réaliser une amélioration importante du pouvoir d’achat et des conditions de vie de la population sur le long terme.

Chers compatriotes de la Diaspora,

Le pari économique haïtien est de taille, mais les problèmes ne sont pas insurmontables. Il ne faut surtout pas baisser les bras. De son côté, si la BRH se donne une claire conscience des défis qui se posent à notre pays, c’est pour signaler l’urgence de se mettre au travail sans tarder et de redoubler d’efforts afin de relever ces défis, une fois pour toutes. Dans cette perspective, la banque centrale d’Haïti se veut simplement une institution au service du progrès de notre pays, dans l’optique d’une Haïti inclusive. Elle se voit comme un maillon au sein d’une grande chaîne nationale, un partenaire parmi tant d’autres, prêt à apporter une franche collaboration à tout effort de développement conforme à ses attributions statutaires.

Et cette idée me fournit l’occasion de passer au deuxième axe de cette présentation, pour rappeler et les bonnes perspectives de l’économie haïtienne, et la place que doit y jouer ce partenaire indispensable qu’est la Diaspora.

Comme je le disais tantôt, et il est bon d’y insister, notre économie regorge d’opportunités d’investissements. D’ailleurs, sa performance s’est améliorée récemment, comme le signale les indicateurs suivants :

  1. Le taux de croissance annuel moyen de l’économie s’est fixé autour de 2% au cours des 5 dernières années, et il est anticipé un résultat plus robuste pour l’exercice fiscal 2017-2018.
  2. Durant l’exercice fiscal en cours (2016-2017), les réserves de change nettes ont augmenté de 94 millions de dollars É.U. environ, pour atteindre 1,022 milliard de dollars au 24 mai 2017.
  3. En comparaison à septembre 2016, la gourde s’est appréciée de 4,1% en mai 2017 par rapport au dollar américain.
  4. Le financement monétaire du déficit budgétaire a été réduit de plus de moitié au cours de la période allant de la fin de l’exercice 2015 à la fin de l’exercice 2016. Il est ainsi passé de 9,9 milliards de gourdes au 30 septembre 2015, à 4,5 milliards de gourdes au 30 septembre 2016. L’amélioration de la situation des finances publiques devrait se poursuivre, d’une part, avec le maintien de l’accord de cash management établi entre le Ministère de l’Économie et des Finances et la BRH et, d’autre part, avec la baisse progressive des subventions importantes accordées par l’État haïtien sur les achats de produits pétroliers. Soulignons que la stratégie du cash management consiste à poursuivre une gestion efficace, c’est-à-dire sans gaspillage ni excès, des flux de trésorerie et des soldes de trésorerie à court terme du gouvernement. Une telle posture de gestion financière s’applique en général tant au sein du gouvernement lui-même, qu’entre le gouvernement et des entités avec lesquelles il est en rapport.

Il est bon de noter que cette évolution favorable de la situation macroéconomique récente dont nous venons de faire état, n’est pas sans lien avec la réalisation des élections présidentielles et législatives, et la mise en place dans un délai relativement court d’un nouveau gouvernement. Cependant, les effets multiples de l’ouragan Matthew ne se sont pas encore dissipés, surtout en termes de compression de l’offre alimentaire locale et de flambée des prix des produits ainsi raréfiés par cette nouvelle catastrophe naturelle.

Néanmoins, les interventions programmées par la banque centrale sur le marché des changes devraient, en conjonction avec d’autres mesures tant de la BRH que des autorités de l’État, contribuer à contenir les pressions inflationnistes. Précisons que ces interventions prévoient des ventes de devises à hauteur de 120 millions de dollars sur la moitié restante de l’exercice 2016-2017. De manière plus générale, les mesures en cours ont plus de chance de réussite sur le long terme avec la mise en place d’une stratégie de relance économique tablant sur l’orientation progressive desdites mesures vers la consommation de biens et de services produits localement, plutôt que la consommation de produits importés. Une telle stratégie devrait se baser sur le renforcement de nos institutions, la réduction des imperfections du marché et la minimisation des contraintes structurelles majeures auxquelles est soumise notre économie.

Ceci dit, quelles sont les perspectives offertes aujourd’hui par l’économie haïtienne ?

Quel rôle nos compatriotes vivant à l’étranger peuvent-ils jouer dans la mise en œuvre de telles perspectives, surtout au vu de leur engagement avéré en support à la terre natale ?

Considérons d’abord la question du rôle de la Diaspora, à la fois historique et à venir.

De nombreuses études empiriques ont démontré les effets positifs directs et indirects des transferts privés sur la balance des paiements et sur la croissance. Les effets des transferts sont observables sur l’épargne et l’investissement, mais aussi dans la formation du capital physique et humain, et encore à travers la hausse de la consommation et la réduction de la volatilité de la croissance. Une étude publiée sous les auspices de la Banque Mondiale en 2003 considère que le niveau de la consommation dans les zones rurales peut avoir un effet multiplicateur au sein de l’économie, dans la mesure où les bénéficiaires des transferts orientent leurs dépenses vers les produits locaux, au lieu des produits importés.

La contribution financière de la Diaspora figure parmi les flux de capitaux les plus importants dirigés vers Haïti, avec une tendance à la hausse depuis le milieu des années 1990 et une nette accélération à partir de 2010. Il est à noter que les transferts de la Diaspora ont un poids relatif plus constant que l’agriculture dans le produit intérieur brut, ou PIB, et un poids plus élevé que celui de l’aide au développement. Haïti est le troisième plus grand bénéficiaire de transferts dans la Caraïbe. Les transferts de notre Diaspora sont passés en moyenne de 5% du PIB durant la période 1992-1996, à plus de 23% du PIB sur la période 2011-2016. Dans le même intervalle, l’apport des transferts au financement du déficit commercial d’Haïti est passé en moyenne de 27% à 70%. En 2015, ces transferts dépassaient le flux d’investissements directs étrangers par un multiple de 20, et se situaient à un niveau proche de celui des transferts de la Diaspora de la République Dominicaine. Depuis le début des années 2000, les transferts des Haïtiens vivant à l’étranger sont devenus la principale composante de l’offre de devises en Haïti.

Au-delà de cette contribution financière très importante, la Diaspora fournit à Haïti un potentiel considérable sur le triple plan de la hausse de la productivité, de la formation du capital humain et de l’essor du secteur du logement. En effet, selon une étude publiée par la Banque Interaméricaine de Développement (BID), l’éducation représente, après l’alimentation, le deuxième poste le plus important dans les dépenses des bénéficiaires de transferts. L’enquête souligne que la contribution de la Diaspora est tout aussi significative dans le secteur du logement. Par exemple, le secteur informel consacre une part importante des montants de transfert reçus de l’étranger, aux constructions résidentielles.

Distingués Invités,
Chers Collègues,

Le caractère unique du poids que la Diaspora en est arrivée à se donner dans la réalité économique de notre pays, est incontestable. Puisque le thème de l’investissement est au cœur de ce sommet, il nous paraît convenable de soulever l’interrogation suivante. Si le plus clair des transferts de la Diaspora n’étaient plus voués à la consommation, comme c’est le cas présentement ; si la Diaspora en venait à accepter l’idée, somme toute raisonnable, que les bonnes occasions d’affaires et d’investissements ne manquent pas dans notre pays ; si, par conséquent, un nombre grandissant d’Haïtiens vivant à l’étranger décidaient d’investir en Haïti des fonds qu’ils comptaient placer sous d’autres cieux, alors, peut-on se demander, qu’adviendrait-il de l’apport de la Diaspora à l’essor durable de l’économie haïtienne ?

Bien entendu, et dans l’hypothèse de la validation des trois prémisses que je viens d’évoquer, il est difficile d’évaluer maintenant l’ampleur de la hausse qui surviendrait, à l’avenir, dans le niveau global des investissements de la Diaspora en Haïti. Toutefois, en l’absence d’une évaluation crédible, on peut raisonnablement supposer un accroissement soutenu, au fil du temps, des initiatives d’affaires des Haïtiens vivant à l’étranger.

Et c’est précisément ce processus d’accroissement soutenu de ses investissements en Haïti, que la BRH souhaite, aujourd’hui, exhorter la Diaspora à déclencher.

D’où les deux derniers axes de mon intervention. D’abord, pour bien convaincre les détenteurs de capitaux de la Diaspora que l’idée d’investir en Haïti n’est pas utopique, je souhaite soumettre à votre esprit d’examen quelques exemples de réussite en matière d’investissements dans le pays. Ensuite, je décrirai des mesures élaborées par la BRH comme incitations au secteur productif et aux exportations.

Dans le cas des investissements locaux, des montages financiers de qualité ont permis d’intégrer l’apport de partenaires de la Diaspora haïtienne dans le capital d’entreprises locales. Ces montages ont été réalisés dans trois secteurs clés de l’économie : l’industrie alimentaire, l’hôtellerie et la production d’énergie. S’agissant des investissements directs étrangers, ou IDE, deux aspects doivent être considérés : les montages financiers et l’intégration de la production locale dans des chaînes de valeur, comme dans le cas de la Brasserie Nationale, ou Brana, et celui du petit mil. Nous parlons ici de success stories qui ont été réalisées dans l’industrie alimentaire et avec des entreprises fonctionnant dans le secteur de la téléphonie mobile et des établissements hôteliers opérant dans le cadre d’une franchise internationale.

Il convient de souligner que les investissements directs étrangers traduisent un intérêt durable envers le pays de destination, et ils présentent l’avantage d’être peu volatiles, contrairement aux investissements de portefeuille. Leur impact sur l’emploi, sur l’assiette fiscale et sur la croissance économique est plus stable. De plus, les IDE sont souvent assortis d’apports en nouveaux savoir-faire, en nouvelles technologies, et en nouvelles techniques de production et de gestion. Ils contribuent donc à enrichir leurs secteurs d’activité en les rendant plus productifs et plus compétitifs, et en leur facilitant l’accès aux marchés internationaux, souvent, à travers les réseaux d’entreprises dont font partie les IDE. À titre d’illustration, prenons, le business hôtelier qui, de nos jours, fait partie de réseaux constitués d’agences de voyages (réelles ou virtuelles), d’agences de croisière, de lignes aériennes, de services d’assurance, etc.

Il est donc impératif de travailler à la mise sur pied du cercle vertueux qui induira l’émergence d’autres success stories à travers l’élaboration d’un cadre où l’investissement public jouera pleinement son rôle de catalyseur de l’investissement privé, notamment celui de la Diaspora. Ceci est d’autant plus urgent que le pays fait face désormais à une double réalité. D’un côté, l’épargne intérieure privée en Haïti est très faible par rapport aux besoins énormes de financement qu’impliquent le développement durable et la réduction significative de la pauvreté. Le système financier haïtien ne dispose que d’environ 1,4 milliard de dollars de ressources qui pourraient, lorsque les circonstances le permettront, être orientées vers des projets porteurs viables, présentant un niveau de risque raisonnable. D’un autre côté, le financement des investissements à partir des fonds de PetroCaribe a été réduit à presqu’au cinquième de ce qu’il était il y a trois ans environ. En effet, les fonds PetroCaribe disponibles sont passés de près de 15 milliards de gourdes en 2013, soit près de 4% du PIB, à 3 milliards de gourdes en 2016, soit 0,65% du PIB.

Quant à l’appel à l’épargne extérieure, laquelle combine les dons officiels, les prêts publics et les prêts privés, il reste conditionné aux exigences des organismes multilatéraux de financement et aux disponibilités que permet la performance économique des bailleurs de fonds bilatéraux. Il y a donc lieu de minimiser certaines contraintes structurelles et institutionnelles afin d’aménager un accès direct à l’épargne privée et, de là, œuvrer à l’approfondissement du marché financier. Par exemple, l’accès aux capitaux internationaux pourrait être favorisé, d’une part, par la mise en commun des ressources locales et de celles de la Diaspora et, d’autre part, par l’élaboration d’instruments de garantie internationale et d’autres mécanismes de mitigation des risques.

Il est donc souhaitable de rechercher non seulement une complémentarité entre l’épargne disponible et les transferts privés sans contrepartie, mais aussi d’envisager de nouvelles pistes de solution pour stimuler l’investissement en Haïti. Point n’est besoin de souligner, encore une fois, que dans la poursuite d’un tel objectif, la quête de l’engagement le plus entier de la Diaspora doit rester une finalité majeure.

C’est donc dans cette perspective que la BRH a mis en œuvre des programmes spécifiques en vue de promouvoir certains secteurs productifs clés à forte valeur ajoutée, susceptibles d’avoir des retombées directes sur l’emploi et la croissance économique. Ces programmes d’incitation au secteur productif, qui visent à faciliter le crédit au secteur privé, sont les suivants :

  1. Le programme KAY PAM, mis en place après le séisme du 12 janvier 2010 de manière à stimuler le crédit au logement en faveur de la classe moyenne. Il comporte les caractéristiques suivantes : le taux d’intérêt est compris entre 8% et 10%, et il est fixe sur 10 ans ; le financement est libellé en gourdes, et il porte sur la construction, la rénovation et l’acquisition de maisons.
  2. Le programme de développement des zones franches, mis en place en décembre 2015, et qui vise essentiellement à augmenter la capacité du pays à bénéficier des lois HOPE II* et HELP** , lesquelles ont été renouvelées par le Sénat américain en août 2015 pour 10 ans. Créé en partenariat avec les banques commerciales, ce programme permet non seulement d’accroître les exportations et le nombre d’emplois dans le secteur textile, mais aussi aux promoteurs de zones franches de se financer auprès des banques à des conditions favorables incluant un taux d’intérêt maximum de 7%.
  3. Le programme de financement des exportations établi suite à des protocoles d’accord signés en octobre 2016 par la BRH avec deux sociétés financières de développement, le Fonds de Développement Industriel (FDI) et la Société Financière Haïtienne Industrielle de Développement Économique et Social (SOFHIDES). Ce programme favorise l’accès au crédit pour les entreprises de production de biens et services destinés à l’exportation. Il comprend une fenêtre de refinancement des comptes à recevoir des exportateurs, et une facilité de crédit visant le renforcement des capacités de production des entreprises ciblées. Cela devrait mener à moyen et long termes à la réduction du déficit de la balance des paiements.
  4. Le programme d’incitation aux secteurs touristique et hôtelier, par lequel les banques sont exonérées de l’obligation de constituer des réserves obligatoires sur les ressources qu’elles utilisent pour financer des projets réalisés dans les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie.

Les dits secteurs peuvent ainsi obtenir du crédit à des taux d’intérêt plus favorables.
D’autres projets sont à l’étude dans le cadre des mesures d’incitation aux secteurs productifs. Il s’agit, notamment, de la promotion de projets de développement immobilier ; de la promotion de la copropriété et de zones franches agricoles ; et de la mise en place, au bénéfice du secteur agricole, de garanties partielles de crédit et de programmes d’assurance. Enfin, la BRH s’est récemment engagée dans une série d’activités de facilitation de dialogue et de réflexion entre les acteurs clés de différentes filières d’activité à forte valeur ajoutée. Cet exercice vise le renforcement des politiques et des mécanismes de financement capables d’influencer le développement économique du pays de manière durable.

Chers amis,

L’efficacité de toutes les mesures que je viens de résumer va de pair avec l’accompagnement de l’État à travers des réformes structurelles visant à améliorer le climat des affaires en Haïti. Cependant, il est indéniable que les opportunités d’affaires existent déjà dans le pays. L’exemple du succès des entreprises locales et multinationales que, sans les citer nommément, je viens d’évoquer en fournit l’évidence. Ayant choisi d’investir en Haïti, elles ont pour la plupart déjà pris place parmi les plus grands contribuables du pays.

J’invite donc les compatriotes vivant à l’étranger à suivre les exemples de ces devanciers en utilisant les formules qui ont donné la preuve de leur efficacité. La Diaspora a tout intérêt à en tirer avantage. Sa contribution au développement de la terre natale passerait à un niveau autrement important si elle complétait ses transferts traditionnels avec des initiatives orientées vers l’investissement en Haïti.

Les associations régionales et locales de la Diaspora pourraient s’associer aux autorités haïtiennes, notamment les municipalités, dans une logique de partenariat public/privé destiné à financer les projets de développement régional. Les besoins d’investissement ainsi que les opportunités qui en découlent sont immenses dans les infrastructures socio-économiques de base comme l’éducation, la santé, la distribution de l’eau potable et les énergies renouvelables. La Diaspora pourrait aussi investir directement dans les entreprises qui acceptent d’ouvrir leur capital. Il s’agirait de promouvoir l’expansion ou la création d’entreprises d’économie mixte dans le cadre d’opérations conjointes avec des institutions déjà impliquées dans ce type d’activité comme le Fonds de Développement Industriel (FDI) et la Société Financière Internationale (SFI). Enfin, outre la création de chambres de commerce régionales et la mise en place de réseaux d’affaires, la contribution de la Diaspora peut aussi s’étendre aux échanges commerciaux et aux transferts de compétences et de technologies.

Voilà, Mesdames, Messieurs, quelques initiatives qui pourraient réduire progressivement les obstacles à l’investissement en Haïti, et transformer le cercle vicieux dans lequel nous sommes, en un cycle vertueux de croissance forte et soutenue, et d’amélioration substantielle continue du niveau de vie de la population.

La Banque de la République d’Haïti joue sa partition à travers des mesures pro-croissance destinées à promouvoir le secteur productif et d’exportation. Elle continuera d’encadrer le système financier à travers une réglementation et une supervision adaptées.

Je suis certain que les débats qui vont suivre seront de qualité, et je formule le vœu que les travaux de ce Sommet soient couronnés de succès.

Jean Baden Dubois
Gouverneur de la Banque de la République d’Haïti



25 Avril 2025


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