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Remarques par M. Jean Baden Dubois, Gouverneur de la BRH, à l’occasion du 1er Sommet International des Femmes du Numérique en Haiti - Chambre de Commerce des Femmes Entrepreneures d’Haïti - "TIC, Nouvelles Opportunités pour l’Autonomisation des Femmes et une Croissance Inclusive” | BRH


Remarques par M. Jean Baden Dubois, Gouverneur de la BRH, à l’occasion du 1er Sommet International des Femmes du Numérique en Haiti – Chambre de Commerce des Femmes Entrepreneures d’Haïti – “TIC, Nouvelles Opportunités pour l’Autonomisation des Femmes et une Croissance Inclusive”



Madame Daniella Jacques, Presidente de la Chambre de Commerce des Femmes entrepreneures d’Haiti.
Mesdames, Messieurs, en vos rangs, grades et qualites..

C’est avec plaisir que je m’adresse à vous aujourd’hui à l’occasion de ce colloque qui aborde un thème des plus importants : celui du renforcement du rôle de la femme entrepreneure.

S’il est une évidence qui fait l’objet du consensus le plus large et en Haïti, et dans les sphères globales liées au développement économique, c’est bien celui du rôle capital que joue la femme entrepreneure dans la structure et le fonctionnement réussi des divers processus économiques et sociaux à travers le monde. Malgré la domination encore forte de l’héritage patriarcal, les contributions productives et génératrices de revenus des femmes demeurent très visibles et, à n’en pas douter, vitales à plus d’un titre. Désormais, la prospérité durable des nations paraît pratiquement impossible si la femme est exclue des mécanismes du marché et de production, ou encore si des restrictions sont imposées à son accès aux ressources disponibles.

C’est pourquoi, depuis la fin du 20e siècle, l’approche Genre et Développement met l’accent sur les relations entre hommes et femmes pour, à la fois, promouvoir le développement économique et social, et poursuivre une réduction soutenue de la pauvreté. De nos jours, le concept de développement durable ne peut se concevoir que dans une perspective de genre, laquelle exige non seulement une vision d’intégration des droits fondamentaux de toutes et de tous, mais encore la poursuite systématique de politiques équitables et non-discriminatoires, particulièrement en ce qui concerne le genre. Cette perspective de genre s’épanouit désormais à travers une notion que la langue anglaise définit comme gender mainstreaming, c’est-à-dire la recherche de l’égalité des sexes. Une telle notion préconise que l’effort de mise en œuvre de tout programme de développement soit fondé sur l’essor des questions de genre, au même titre que sur la promotion des droits de l’homme.

Il faut s’entendre sur un point essentiel. Le fait d’œuvrer à assurer à la femme une place de première ligne dans le projet de développement économique ne répond pas seulement à un élan humanitaire, ni à un simple souci de réparation d’une injustice historique universelle. Les sociétés contemporaines n’ont d’autre alternative que de donner une place de choix à la femme au sein de l’agenda économique parce que la femme est indispensable pour un tel agenda. Les recherches empiriques ne se comptent plus, qui font la preuve du succès économique nettement plus grand des sociétés qui traitent l’homme et la femme de manière plus équitable. Les nations qui ont fait le choix opposé ont enregistré une croissance économique moindre, ainsi qu’une capacité restreinte à réduire la pauvreté.

De même, les disparités sociales basées sur le genre ont, à travers l’histoire, produit des résultats économiques inefficaces. Par exemple, une analyse publiée en 2003 par un groupe d’étude de la Banque Mondiale a estimé que si, entre 1960 et 1992, les pays d’Afrique avaient réduit l’écart hommes-femmes en matière de scolarisation au même rythme que les pays de l’Asie de l’Est, il en aurait résulté, sur la trentaine d’années, un doublement du revenu par habitant de la région africaine.

D’ailleurs, la réputation de fiabilité et de crédibilité que se sont donné les femmes en ont fait la main-d’œuvre de prédilection dans les industries transnationales du textile et de l’électronique. Déjà les programmes de microfinance un peu partout dans le monde, et certainement chez nous en Haïti, ont manifesté une option préférentielle pour les femmes parce que celles-ci se sont révélées de bonnes gestionnaires financières qui n’ont pas leur pareil pour rembourser les prêts avec discipline, selon le calendrier convenu. L’argument selon lequel la femme doit être placée au cœur du développement économique se justifie aussi par la capacité avérée de la femme à être une distributrice plus judicieuse de biens et de services au sein du foyer.

S’agissant de notre pays, spécifiquement, la réputation d’agent économique d’avant-garde des femmes n’est plus à faire. L’image de la marchande portant son panier de provisions sur la tête, ou encore tenant des étalages de produits alimentaires dans des marchés publics, est devenue symbolique, très caractéristique de l’activité économique informelle, majoritaire en Haïti. La commercialisation d’une grande partie de la production rurale passe par les « Madan Sara », cette entrepreneure emblématique dont les succès d’affaires tiennent des fois du miracle. Ce n’est pas sans raison qu’on fait souvent référence à elle pour caractériser l’économie haïtienne. Nombreuses sont ces femmes qui, souvent partie d’un commerce très minime, arrive à subvenir aux besoins de leurs enfants et à en faire des professionnels de premier ordre.

N’hésitons pas à le dire : fanm ze zo rèl do ekonomi ak sosyete peyi d’Ayiti.

Dès lors, il convient d’offrir à nos femmes, dont beaucoup sont des fanm vanyan, un cadre de fonctionnement meilleur que celui qui existe actuellement, et qui se caractérise par des limites telles que

  • l’insécurité,
  • une rentabilité faible,
  • la marginalisation comme secteur informel pas toujours bien vu,
  • et j’en passe.

Il convient d’œuvrer a? une meilleure valorisation et une plus grande organisation des activités des femmes, surtout dans le monde agricole où leur dynamisme les fait jouer un rôle de levier.

Une telle démarche ne peut pas faire l’économie de l’approche entrepreneuriale. L’entrepreneuriat féminin est une des meilleures stratégies susceptibles de valoriser le statut socioéconomique des femmes, de les faire cesser d’être des agents économiques de seconde zone cantonnés dans des activités économiques informelles.

Dans une perspective de décentralisation économique et de création de la richesse dans un contexte de développement durable et de réduction de la pauvreté, l’utilisation de la technologie parait une solution de premier choix. Il s’agit, dans le cas spécifique des femmes entrepreneures, de mettre à contribution les nombreuses opportunités qu’offrent les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) en termes d’amélioration de la performance des entreprises en général. Il faut envisager comment utiliser des outils comme les smartphones, les tablettes, etc., et aussi des logiciels comme les applications de marché ou les applications sur le Cloud, pour tirer parti des opportunités d’efficacité qu’offrent les technologies en question.

Les NTIC permettent à long terme d’exploiter le potentiel d’une entreprise, de structurer le système d’information, de gagner en performance et en productivité, et de prendre avantage des plus récentes innovations. En outre, grâce à l’internet, l’entreprise s’ouvre sur le monde et peut se faire connaitre.

Le visage de l’entreprenariat change et évolue grâce à la technologie qui permet de se créer une part de marché plus facilement, et aussi d’exploiter au mieux les potentiels et les talents. Évidemment, l’atteinte d’un tel objectif de prospérité et de productivité n’est pas aisé, et les femmes entrepreneures devront surmonter de nombreux obstacles et contraintes. Elles devront relever bien des défis comme :

  • les problèmes de manque d’inclusion financière ;
  • et aussi les insuffisances de la législation concernant le monde informatique, le commerce électronique et d’autres domaines connexes ;
  • et enfin les carences en termes d’éducation financière qui empêchent de prendre des décisions optimales en matière de choix de services financiers ou de moyens pour mieux offrir des services

Il est d’autant plus souhaitable d’envisager une voie nouvelle pour les femmes entrepreneures d’Haïti que leur situation courante est très difficile. Ne pouvant pas répondre aux exigences des institutions financières formelles, les femmes entrepreneures ont souvent recours aux circuits financiers informels, tels que les prêts accordés par des proches, par un « notable » de la région ou par un usurier ; les « sol », etc. Le microcrédit octroyé par des institutions de microfinance est également largement utilisé par les femmes entrepreneures pour de faibles montants, ceux de moins de 100 mille gourdes.

Il est énorme, le travail qui nous attend tous, y compris l’État haïtien. Pour sa part, la BRH s’est engagée résolument dans une stratégie d’inclusion financière visant la protection et du consommateur, et du producteur. Nous voulons accorder une attention particulière aux femmes entrepreneures afin de leur faciliter l’accès au crédit et à d’autres services financiers. Ce faisant, nous nous penchons sérieusement sur cet objectif du document de stratégie nationale qui prévoit la promotion de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) pour la prestation de services financiers. À travers les différentes actions à mettre en œuvre, l’objectif final est d’ouvrir le marché financier aux femmes entrepreneures grâce aux NTIC et à une règlementation adaptée à leurs besoins tout en tenant compte des obstacles structurels du pays.

Conjuguons donc nos forces et nos moyens afin de mettre nos femmes entrepreneures en mesure d’accéder pleinement à la place que, depuis toujours, leur a méritée leur contribution extraordinaire au fonctionnement quotidien de la communauté haïtienne toute entière.

Je vous souhaite donc à toutes et à tous un fructueux colloque.

Jean Baden Dubois
Gouverneur



25 Avril 2025


130.6044



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